Des organisations syndicales minoritaires dans la rédaction de l’AFP ont appelé à une grève de 24 heures entre mercredi et jeudi contre « l’ensemble des projets » ayant trait à la gouvernance et au financement de l’Agence.
Il n’appartient pas à un syndicat de s’opposer à l’appel à la grève d’un autre. Chaque organisation se détermine en conscience, selon son sens des responsabilités. En revanche, il nous paraît utile de rappeler pourquoi le Syndicat national des journalistes (SNJ), qui représente près d’un journaliste AFP de droit français sur deux, ne s’associe pas à cet appel. Précisément dans l’intérêt de l’AFP, de son indépendance et de ses personnels, quel que soit leur statut.
PROPOSITION DE LOI FRANCAIX
Une proposition de loi (PPL), dont le rapporteur est le député socialiste Michel Françaix, a été débattue ce mercredi matin en commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, et le sera à nouveau en séance le 17 décembre. Cette PPL a pour premier objectif de mettre fin au contentieux bruxellois né de la plainte de l’ex-agence allemande DAPD. La France, qui a accepté les « mesures utiles » demandées par la Commission européenne, a jusqu’au 27 mars 2015 pour traduire dans la loi ses engagements, qui n’affecteront en rien le « statut de la liberté » de l’AFP, son ADN, contenu dans ses articles 1 et 2.
L’AFP restera ce qu’elle est, c’est-à-dire une entreprise de droit commercial « sui generis », singulière, pleinement reconnue dans sa mission d’intérêt général, avec une séparation de comptabilité entre la maison-mère et ses filiales qui, au demeurant, existe déjà.
Second objectif : réformer la gouvernance de l’AFP. On ne peut laisser plus longtemps la troisième agence mondiale entre les mains d’un conseil d’administration anesthésié par un aréopage franco-français (Etat et médias nationaux) qui ne joue pas son rôle de contrôle vis-à-vis du PDG et de sa gestion. Nous avons proposé que le personnel, si attaché à l’AFP, y soit mieux représenté, notamment sa rédaction.
L’entrée de personnalités qualifiées au CA pourra apporter un regard neuf et international qui nous fait aujourd’hui défaut, à condition que leur désignation ne soit pas, là encore, le fruit de l’entre-soi et du copinage. Sur tous ces points, nous avons fait des suggestions précises d’amendements à la PPL pour obtenir de vrais contre-pouvoirs en vue d’une meilleure gouvernance, et nous avons obtenu gain de cause sur plusieurs d’entre eux ce mercredi matin en commission (trois élus du personnel dont deux journalistes au CA, déplacement de l’alinéa sur la séparation des comptabilités à l’article 13, élection du PDG après présentation d’un projet stratégique validé par le CA, féminisation de ce même conseil). Trois autres syndicats ont transmis des propositions. C’est donc qu’ils acceptent le principe de cette PPL. Pourquoi alors paraître la rejeter purement et simplement en appelant à la grève ? Quel message veut-on ainsi transmettre à la représentation nationale ?
Pour sa part, le SNJ restera actif pour convaincre les députés de renforcer la gouvernance de l’AFP avant le vote du 17 décembre.
FILIALE TECHNIQUE DE MOYENS
Pour financer son indispensable développement (vidéo notamment), l’AFP va mettre en place une filiale technique de moyens, baptisée AFP Blue, dont elle sera l’unique actionnaire et qui lui permettra de contracter des prêts à des taux acceptables. Cette filiale a suscité une inquiétude légitime parmi nos collègues du technique, qui ont craint qu’une partie d’entre eux y soient transférés.
Aujourd’hui, cette crainte n’a plus lieu d’être, puisque le conseil d’administration votera jeudi une délibération précisant noir sur blanc que l’AFP maison-mère conservera l’intégralité de ses personnels techniques. En outre, la filiale sera contrôlée par un comité stratégique où siègera l’un des deux représentants du personnel au CA. Le SNJ demande que ce représentant soit le secrétaire du comité d’entreprise, élu du personnel non journaliste au CA, lui-même ouvrier.
Quant au prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM), qui n’est pas encore finalisé entre la direction de l’AFP et le gouvernement, le SNJ a été le premier à demander qu’il fasse l’objet d’une procédure d’information-consultation des élus du comité d’entreprise, pour mieux en saisir les enjeux et le contenu, demander des comptes… Nous y veillerons.
L’AFP et son personnel ont besoin de débats, d’initiatives, de propositions pour avancer. Pas d’une grève illisible, inutile et contreproductive menée sans perspective. Que cherche-t-on ? A rouvrir le contentieux pour aides d’Etat à Bruxelles ? Et comment finance-t-on à l’avenir le développement de l’Agence sans une filiale de droit commun ?
Ce n’est pas la PPL et la filiale Françaix qui menacent l’indépendance et l’avenir de l’AFP, c’est le statu quo qui les hypothèquerait!
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