Une semaine après l’Assemblée Nationale, le Sénat vient d’adopter jeudi 2 avril la proposition de loi sur la modernisation de la presse, modifiant le statut de l’AFP et mettant ainsi fin à six mois de procédure parlementaire.
Quel est le bilan pour l’Agence ?
Le principal but de cette modification législative était de répondre aux injonctions de Bruxelles, déjà acceptées par le gouvernement français depuis un an, afin de mettre le statut en conformité avec le droit européen de la concurrence sur les aides d’Etat. Il s’agissait notamment de clore le contentieux faisant suite à une plainte déposée par l’ex-Agence allemande DAPD, aujourd’hui disparue.
L’Agence s’est vu reconnaître par la Commission européenne sa mission d’intérêt général mais le gouvernement s’est engagé, à la demande de Bruxelles, à réévaluer d’ici dix ans la compensation versée et la justification de l’existence d’un service public en fonction des conditions de marché.
La sécurisation provisoire de cette compensation financière ne lève pas pour autant toutes les incertitudes car, dans la nouvelle loi, l’Etat n’est plus responsable des créances de l’Agence. Certes, il faut toujours une loi pour la dissoudre, mais tout éventuel financement extérieur passera désormais par la filiale technique de moyens récemment créée sous forme de prêts… en augmentant l’endettement du groupe AFP.
L’autre volet de la proposition de loi était l’amélioration de la gouvernance de l’Agence. C’est sur ce point qu’ont porté les principales propositions du SNJ pour tenter de passer d’une proposition à minima, à une véritable réforme.
A la proposition initiale d’une diminution du collège presse au conseil d’administration et à l’arrivée de cinq personnalités qualifiées nommées par le conseil supérieur, dont trois ayant une expérience significative au niveau européen ou international, se sont ajoutées plusieurs de nos revendications comme un troisième représentant du personnel (deuxième journaliste), l’élection du président-directeur-général après présentation d’un projet stratégique validé par le conseil d’administration et la féminisation des deux instances de gouvernance.
En revanche, nos propositions de refonte du conseil supérieur, pour le doter de davantage de compétences dans le domaine de la vidéo et du numérique, n’ont pas été reprises par les parlementaires. Dommage.
Toutefois, députés et sénateurs, visiblement inquiets de la situation économique et financière “dégradée” de l’Agence, se sont mis d’accord pour renforcer le rôle de contre-pouvoir du conseil supérieur (article 3) dans une réforme aussi consensuelle qu’inédite.
C’est en effet la première fois en 58 ans que le législateur éprouve le besoin de renforcer la gouvernance et le contrôle sur le président-directeur-général. (article 11A de la PPL).
Désormais, dans le statut, le conseil supérieur est garant de la pérennité de l’Agence. Il peut adresser au président-directeur-général des observations sur la mise en oeuvre de la stratégie de l’AFP. Ces observations n’ont pas de caractère obligatoire mais le conseil est consulté par le président-directeur général avant toute décision stratégique pour l’Agence, ainsi que sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens.
Le PDG doit en outre fournir au conseil supérieur tous les documents et les renseignements que le conseil juge utiles pour l’exercice de ses missions. Il répond à ses convocations pour rendre compte de l’activité, de la gestion et de l’indépendance de l’Agence France-Presse. Le conseil supérieur peut rendre ses observations publiques et rend compte, chaque année, de la situation économique, financière et sociale de l’agence, ainsi que de l’exécution par celle-ci des obligations de l’article 2, dans un rapport remis au Parlement avant le 30 juin.
Le conseil supérieur, une autorité administrative imperceptible depuis des décennies, devient ainsi dans le nouveau statut une véritable instance de contrôle dotée d’un pouvoir de surveillance, garante de la bonne évolution de l’Agence.
A quel point s’investira-t-il dans ce nouveau rôle que lui confère le législateur ?
Il est trop tôt pour le savoir. En tout cas, les parlementaires, dont deux siégeront au conseil supérieur, auront montré tout au long du processus leur attachement et leur volonté de pérenniser la seule agence mondiale francophone.
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