Situation financière, négociations : où va l’AFP ?

Endettement, recettes en berne : parlons de la stratégie du PDG !

Le rapport Sextant présenté au comité d’entreprise, les chiffres relayés par nos représentants au conseil d’administration ont ravivé les inquiétudes du personnel sur la santé financière de l’Agence.

Après trois années de résultat net négatif où les pertes se sont accentuées, l’année 2016 s’annonce encore pire avec un déficit de 4,7 M€ sur le seul premier semestre, soit l’équivalent de la perte de toute l’année 2015. L’effet de ciseaux entre l’effritement du chiffre d’affaires, les désabonnements de clients historiques (Ansa, Dow Jones, Bloomberg, AAP…), et les charges plombées par un endettement financier de 71,5 M€, un record dans l’histoire de l’Agence, est brutal. A peine un an après la signature du nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM), l’AFP devait revenir en 2016 à l’équilibre et dégager un bénéfice notamment grâce aux événements spéciaux et à l’acquisition de la société australienne d’applications sportives Infoplum.

Celle-ci avait été présentée en février dernier au conseil d’administration comme « une étape clé dans la mise en oeuvre de notre stratégie sport ». Les mauvais résultats commerciaux de l’Euro et des JO et la situation financière très dégradée d’Infoplum ont mis fin à ce projet pour le moins aventureux, avec une ardoise salée pour les finances de l’Agence qui a maintenu à flot cette société moribonde pendant des mois.

Que répond la direction pour se justifier alors qu’elle est de plus en plus questionnée sur ses choix et sa stratégie ? Que « la direction de l’Agence a préféré l’endettement d’aujourd’hui à la décroissance de demain », et que les investissements nécessaires à la croissance de la vidéo n’auraient pu être engagés sans endettement.

Soit, mais la majeure partie de l’endettement et des dépenses de l’Agence depuis 2010 ne concernent malheureusement pas des priorités stratégiques (la vidéo, le sport ou l’international). Plus de 25 M€ de travaux à fin 2014 (dont 2M€ pour le seul étage présidentiel, « versaillesque »), bien au-delà de l’objectif initial du désamiantage du siège, ont été engloutis de même que 32 M€ (+ 17 M€ d’intérêts) sur le programme IRIS à fin 2015 (bien avant la mise en route du lot 3 dédié à la vidéo), pour finalement produire grosso modo les mêmes dépêches, photos, infographies et produits multimédias…

L’Agence, vu sa singularité économique (pas de capitaux, donc de moyen d’en lever sur les marchés) qui fait son indépendance mais aussi sa fragilité, avait-elle simplement la possibilité de financer simultanément de tels investissements ? Heureusement que l’Etat, pourtant impécunieux, est là : il a inscrit 5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour la seule AFP au projet de loi de finances 2017 ; mais qui peut croire que ce coup de pouce sera réitéré ?

Alors, notre prestidigitateur directeur général (PDG) sort un lapin de son haut-de-forme sous la forme d’un plan de relance commerciale pour capter 1.000 clients supplémentaires. Sur quels segments de marché, avec quels produits, sur quelles zones géographiques ? Nos commerciaux sont instamment priés de plancher sur ces questions futiles !

Quand sortirons-nous des coups de com’ et des effets d’annonce sans lendemain ?

Augmentations salariales : la parole de la direction démonétisée

Juillet 2015: la direction dénonce brutalement tous les accords en vigueur à l’AFP, alors qu’un processus de négociation était pourtant engagé. S’ensuit un mouvement de grève de plusieurs jours. Pour sortir du conflit, la direction s’engage à une mesure générale d’augmentation salariale de 0,75% pour 2016. C’est peu mais c’est un pas en avant. Le grand accord en cours de négociation est aussi censé s’accompagner d’une relance de la politique salariale.

Septembre 2016: les négociations salariales pour l’année 2016 sont engagées avec les syndicats qui réclament a minima le paiement pérenne de ces 0,75%.

Las! La direction annonce que compte tenu de la situation financière, elle a décidé de ne pas appliquer une telle hausse.

En guise de consolation, elle dit vouloir appliquer une hausse de 0,75% seulement sur le dernier trimestre 2016, une mesure déjà provisionnée au budget et qui représente environ 230.000 euros. Sans reprise sur les années futures.

Le SNJ déplore que la direction se renie un an après avoir pris, par écrit, un engagement très clair. Certes, la situation s’est tendue, mais elle n’a pas fondamentalement changé depuis 2015. En fait, la direction pare au plus vite et au plus facile, face à des rentrées commerciales très décevantes et à des prévisions budgétaires immodérément optimistes voire insincères : quoi qu’elle dise, la masse salariale est bien l’une de ses premières variables d’ajustement.

Le personnel, tout en étant parfaitement conscient du contexte économique, se demande combien de temps il devra travailler toujours plus sans gagner plus. Aucune mesure d’augmentation générale n’a été appliquée depuis 2012. L’enveloppe pour les primes et promotions a été nulle ou très faible ces dernières années.

Le personnel s’interroge aussi sur ce que vaut la parole du PDG, toujours prompt à défendre son bilan à l’extérieur de l’Agence, beaucoup moins mobilisé et fiable lorsqu’il s’agit de respecter un engagement pris devant le personnel.

Face au refus de la direction de revoir sa copie, le SNJ et les autres syndicats ont demandé cette semaine que l’enveloppe correspondant à la hausse de 0,75% sur un seul trimestre soit au moins répartie de manière égale et forfaitaire entre les salariés de l’agence. Le personnel attend autre chose cette année qu’une enveloppe non transparente de « primes et promos » individualisées, au seul choix de la direction.

Le montant de cette prime « one shot » générale, si c’était l’option choisie, serait très faible (autour d’une centaine d’euros en net), ce qui fait dire au nouveau directeur général de  l’AFP, Fabrice Lacroix, qu’il s’agirait d’un « saupoudrage ». Presque rien, certes, mais toujours mieux que zéro, lui ont répondu les représentants du personnel.

La direction s’est engagée à étudier la piste d’une prime forfaitaire égale pour tous et doit venir à la prochaine réunion, le 19 octobre, avec une proposition. Elle a aussi promis un dispositif de revalorisation du barème des piges, inchangé depuis… 2009, donc dégradé. Le SNJ lui a en outre demandé de communiquer sur l’évolution de la masse salariale des salariés à statut local et régional, qui ne sont certes pas dans le périmètre de négociation des syndicats de droit français, mais font pleinement partie de l’Agence et ne doivent pas être oubliés.

Grand accord d’entreprise : expatriation dégradée, rupture d’égalité

La négociation d’un accord unique d’entreprise doit théoriquement aboutir au plus tard le 9 février 2017 : dans les faits rien n’est moins sûr, vu l’état d’avancement des discussions et les marges de manoeuvre, dont la direction vient de confirmer qu’elles s’étaient encore rétrécies. Et ce malgré les contre-propositions des syndicats – notamment celles du SNJ – et, disons-le, des efforts importants que le personnel a déjà consentis et auxquels il se prépare pour l’avenir.

Un sujet, sans être le seul, nous inquiète particulièrement : les dispositions sur l’expatriation actuellement inscrites dans le projet d’accord non seulement ne confortent pas la politique de mobilité internationale des journalistes de droit français, mais elles risquent de la dégrader fortement. La direction s’est engagée à expatrier sous statut Siège 20% des effectifs journalistes de droit français : si un tel chiffre était gravé dans le marbre de l’accord, c’est plusieurs dizaines de postes qui seraient transformés en contrats locaux/régionaux par rapport à ce que le budget prévoit actuellement.

En outre, la direction semble bien décidée à créer un statut d’expatriation Siège « low cost » : pas moins de 46 postes seraient inscrits dans une liste de « type 1 » (les autres postes, de « type 2 », garderaient toutes les conditions actuelles), avec à la clé le remplacement de la prime de logement par une « aide partielle au logement » beaucoup moins intéressante, car ne couvrant que la différence éventuelle entre le prix du loyer dans le bureau concerné et celui constaté à Paris. Presque tous les bureaux européens seraient concernés, hors postes à responsabilité. La direction se retranche derrière l’argument de la proximité, sur l’air du « partir à Bruxelles, Londres ou Berlin, en 2016, ce n’est pas vraiment s’expatrier… » Mais pourquoi ce qui serait vrai pour les uns (les postes de journalistes de « base ») ne le serait pas pour les autres (chefs, adjoints, coordinateurs…) ? Pourquoi cette rupture d’égalité ?

Ce régime d’expatriation dégradé aura pour conséquence immédiate de compliquer voire d’empêcher la mobilité de nombre de journalistes, en particulier ceux chargés de famille, même parmi les recrues les plus récentes. De jeunes collègues déjà privés du congé d’ancienneté, qui devrait venir partiellement compenser des pertes de RTT, et interdits d’accès au compte épargne-temps (CET). On voudrait construire un accord anti-jeunes qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Ce n’est pas ainsi que le SNJ conçoit l’équité dans la maison. Nous nous opposerons à de telles orientations.

 

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