PPL: exiger de vrais contre-pouvoirs pour une meilleure gouvernance

Une proposition de loi (PPL) n°2224 “portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse” va être examinée par l’Assemblée nationale d’ici la mi-décembre. Elle vise notamment à modifier le statut de l’AFP créé par la loi du 10 janvier 1957.

Lors des auditions menées avec les députés et la commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale puis lors du vote de la loi, le Syndicat National des Journalistes entend défendre trois principes que nous jugeons fondamentaux :

  • La gouvernance de l’Agence doit être renforcée tant au niveau du Conseil supérieur (CS) que du Conseil d’administration (CA) pour assurer un véritable pilotage stratégique, au delà des effets d’annonce et de “com”.
  • La représentation du personnel au Conseil d’administration doit également être augmentée pour lui donner les moyens d’être mieux entendu, en tenant compte du poids démographique de la rédaction. De même, il faut une plus grande présence de femmes dans toutes les instances de gouvernance.
  • Le socle que représentent les missions définies par les articles 1 et 2 du statut doit rester inchangé.

Sur la gouvernance, la PPL manque d’audace et reste en deçà des propositions effectuées par le député Michel Françaix lui-même, dans son rapport d’étape sur l’avenir de l’Agence France-Presse.

Nous proposons donc de modifier la composition du Conseil supérieur, afin qu’il exerce pleinement son rôle, notamment dans le choix des personnalités qualifiées appelées à siéger au Conseil d’administration.

Pour le SNJ, le journaliste siégeant au Conseil supérieur devrait être désigné par la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ), organisation professionnelle compétente au niveau mondial. Au lieu des deux hauts fonctionnaires cooptés par les autres membres du Conseil, nous proposons que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le Conseil national du numérique (CNNum) nomment chacun un membre du Conseil supérieur de l’AFP.

Au Conseil supérieur revient dans la PPL la responsabilité de nommer les cinq personnalités qualifiées censées donner un nouvel élan au Conseil d’administration et choisies notamment pour leurs compétences au niveau européen et international. Nous souhaitons que la décision du Conseil supérieur soit prise sur proposition du CSA et du CNNum.

D’une part, la vidéo étant l’une des priorités de l’Agence, il est logique de renforcer les compétences du CA et du CS dans ce domaine stratégique.

D’autre part, le CNNum, commission consultative indépendante, a pour mission de formuler et de rendre publics des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie. Son aide sera précieuse pour doter le CA de davantage d’administrateurs compétents dans le domaine du numérique.

Pour que le CA puisse être “investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et l’administration de l’agence” comme le stipule l’article 8 du statut, encore faut-il qu’il puisse les exercer. C’est pourquoi nous proposons que le président directeur général soit élu sur la base de la présentation d’un plan stratégique évalué par le CA.

Ce point, proposé par Michel Françaix dans son rapport d’étape, et emprunté à la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, est une simple règle de bon sens pour toute entreprise. Une fois inscrite dans la loi, elle évitera peut-être à l’avenir, espérons-le, les parachutages politiques de dernière minute.

Quant au prolongement automatique à cinq ans du mandat de l’actuel président directeur général, Emmanuel Hoog, (article 11-27 de la PPL), sans que le CA n’émette le moindre avis : cela nous semble tout simplement aberrant au regard des enjeux.

Après un Contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2009-2013 dont le seul objectif réalisé a été la maîtrise des frais de personnel (et bien en dessous du taux annuel moyen prévu, faisant des salariés les dindons de la farce), un nouveau COM 2014-2018 préparé dans l’opacité la plus complète, une situation financière dégradée (trésorerie et endettement), l’annonce de la création d’une filiale technique d’investissement, et une procédure bruxelloise qui aboutit à ce que “la responsabilité de l’État ne peut se substituer à celle de l’AFP envers ses créanciers”, les orientations stratégiques et le mandat du PDG doivent plus que jamais être validés par un vote du CA renouvelé.

En ce qui concerne la représentation du personnel parmi les administrateurs, nous souscrivons à l’affirmation de Michel Françaix : “Cette représentation salariée a mis l’AFP à l’avant-garde, en France, des meilleures pratiques de démocratie sociale dans l’entreprise”. Et nous proposons aujourd’hui d’aller plus loin en demandant que trois élus dont deux journalistes représentent le personnel dans cette instance délibérative , afin de mieux associer les salariés (de tous statuts) à la marche de cette Agence à laquelle ils sont si attachés et de tenir compte du poids démographique de cette rédaction mondiale dans l’entreprise.

Le SNJ, première organisation de la profession en France comme à l’AFP, milite également pour une meilleure représentation des femmes dans les instances de gouvernance de l’Agence. Nous proposons notamment une rédaction plus contraignante pour que des femmes figurent parmi les administrateurs nommés ex officio (non élus).

Enfin, le coeur de la loi de 1957, à savoir les articles 1 et 2 du statut, doit être préservé de toute “verrue juridique” venant brouiller la lisibilité du texte et in fine la mission de l’AFP. L’article 12 du statut qui consacre le rôle accru de la commission financière vis-à-vis des exigences de Bruxelles permet d’y inclure la comptabilité séparée réclamée par les autorités de la concurrence pour les activités ne relevant pas des missions d’intérêt général.

Vous pouvez consulter l’ensemble de nos propositions sur notre page dédiée à la PPL.

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