Réforme du statut de l’AFP : encore un effort !

La commission de la culture du Sénat a voté mercredi 28 janvier à une large majorité une série d’amendements à la proposition de loi modifiant le statut de l’AFP. Ces amendements visent essentiellement à fusionner le conseil supérieur et la commission financière pour en faire une commission de surveillance dotée de pouvoirs élargis notamment sur le contrôle de la stratégie de l’Agence. L’intention est bonne, et nous espérons qu’elle ne sera pas contrecarrée dans les dernières étapes du processus législatif, sous pression notamment de l’actuel PDG.

Nous voyons de possibles avancées sur deux autres points : que le conseil d’administration puisse se réunir au moins quatre fois par an (contre deux en moyenne aujourd’hui), et qu’il soit stipulé qu’au moins trois des cinq personnalités qualifiées appelées à le rejoindre possèdent « une expérience significative au niveau européen et international ». Dommage, a contrario, qu’aucun amendement n’empêche la prorogation automatique de trois à cinq ans du mandat de l’actuel président. Il n’y a aucun acharnement à réclamer qu’Emmanuel Hoog soit contraint à reposer la question de confiance à ceux qui l’ont fait roi ; cette mesure relèverait à nos yeux du simple bon sens, vu l’importance des choix stratégiques qui engagent l’avenir de l’Agence.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur au Sénat de la proposition de loi sur la modernisation de la presse, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, s’est dit “étonné” par la faiblesse des instances de direction de l’AFP. Il s’agit là d’un fait que nous avons dénoncé à maintes reprises, notamment lors de nos auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat.

“Le plan d’investissement et son financement au travers d’une filiale de moyens qui va pouvoir s’endetter auprès d’investisseurs aura pour conséquence de porter le niveau d’endettement de la société à un niveau jamais atteint par le passé. Dans le même temps, il n’existe aucune garantie que les choix d’investissement feront l’objet d’un examen contradictoire au sein de la société, les éditeurs étant peu investis et les cinq personnalités qualifiées risquant d’être, dans les faits, nommées par la direction vu l’état de déliquescence du conseil supérieur. J’ajoute que, selon les dires même du président de la commission financière de l’AFP que j’ai reçu la semaine dernière, la situation de l’AFP n’est pas bonne et son résultat devrait être négatif en 2014. Pour dire les choses autrement, si l’AFP était une société normale, elle aurait aujourd’hui des fonds propres négatifs et serait probablement menacée de cessation de paiements”, a affirmé M. Bonnecarrère lors de son intervention devant la commision du Sénat (NDLR: les caractères gras de ce paragraphe proviennent du texte du sénateur).

Nous partageons ce constat et l’ambition d’une plus que nécessaire réforme de la gouvernance. Mais la simple fusion du conseil supérieur et de la commission financière dans une commission de surveillance qui va créer à son tour, en son sein, un comité de déontologie et un comité financier, est-elle de nature à modifier efficacement la donne ?

On nous dit que cette réforme s’inspire de l’instance de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), mais à bien y regarder (L 518-4 du code monétaire et financier), cette instance est composée de financiers, de banquiers, de membres de la commission des finances, donc de spécialistes du domaine.

Alors, allons au bout de la logique : pourquoi la commission de surveillance de l’AFP resterait-elle composée uniquement de magistrats du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, de représentants de la presse papier et de l’audiovisuel public – soit le même aréopage franco-français dont le rapporteur du Sénat souligne lui-même la déliquescence – avant de les fusionner et de leur confier en plus une mission de surveillance de la stratégie, en pleine révolution de l’internet et des nouveaux médias ?

N’est-ce pas l’occasion, comme le propose le SNJ depuis le début, d’augmenter les compétences de cette commission de surveillance en y rajoutant des membres venus de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), du Conseil national du numérique (CNNum) et de l’Union européenne de radio-télévision (UER) ? Cela ne ferait que renforcer et notre indépendance et nos ambition et vocation internationales.

Notre première proposition, impliquant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), avait déjà été balayée à l’Assemblée nationale pour des raisons politiciennes. On peut légitimement se demander en quoi l’instance de contrôle de la Caisse des dépôts serait une meilleure source d’inspiration que la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public pour moderniser la gouvernance de l’AFP.

Mais, sur le fond, le sénateur Bonnecarrère a raison, la situation de l’AFP n’est pas bonne. Elle est même préoccupante pour les personnels de l’Agence. Et ce n’est pas la masse salariale qui est en cause (seul « indicateur » largement respecté dans le précédent contrat d’objectifs et de moyens), c’est bientôt cinq ans de gestion capricieuse et dispendieuse, sans contrôle ni contre-pouvoir.

Le législateur a là une occasion unique d’éviter qu’une spirale d’endettement et des choix hasardeux et erratiques ne viennent à terme remettre en question la survie de la troisième agence mondiale d’information. Mesdames et messieurs les parlementaires : saisissez-la !

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