Le PDG de l’AFP Fabrice Fries a annoncé aux organisations syndicales la révision de son « plan de transformation », qui prévoit désormais 95 suppressions nettes de postes (23 journalistes et 72 personnels administratifs et techniques) contre les 125 annoncées le 4 octobre.
Cette évolution, qui n’est pas étrangère au rejet clairement manifesté par le personnel et ses représentants, peut paraître non négligeable. Mais on déchante vite quand on découvre l’un des leviers sur lequel la direction s’appuie pour parvenir à cette baisse : la transformation d’une quinzaine de postes d’expatriés en contrats locaux. Ainsi, le nombre de journalistes à l’expatriation passerait de 175 aujourd’hui à 160 en 2020 — une quarantaine de moins qu’il y a dix ans !
Ce n’est plus de l’érosion, c’est un démantèlement progressif de notre réseau mondial de collecte d’information, au mépris de l’accord d’entreprise signé en 2017 – notamment par le Syndicat national des journalistes (SNJ) – et de notre mission d’intérêt général, dont la compensation par l’Etat, rappelons-le, est fléchée sur le maintien de ce maillage international.
Cette « localisation » d’emplois s’ajoute aux 47 postes de journalistes (32 en France, 15 de statut local dans le monde) que la direction projette de détruire pour pouvoir procéder à 24 recrutements dans l’image.
C’est donc bien le texte qui va payer le prix fort du « plan Fries ». Que des collègues journalistes soient intéressés par un départ, là n’est pas la question. Le problème, c’est leur non-remplacement, dans le réseau mondial, les services parisiens, les bureaux régionaux : comment l’AFP va-t-elle fonctionner avec une rédaction ainsi ponctionnée ? Avec d’autres organisations, le SNJ a plaidé sans relâche pour que la direction enrichisse son plan d’un contenu éditorial, pour qu’elle précise quelles organisations sont possibles. Or elle semble vouloir prendre son temps sur ce chantier crucial, préférant manifestement ajuster les structures au cas par cas, voire adapter l’organisation à la pénurie, quitte à ressortir des vieux projets des cartons.
Aucun début de réponse n’a été apporté à des questions pourtant brûlantes. Quelle AFP voulons-nous pour demain, une fois les départs réalisés, et pour quels clients ? Sommes-nous prêts à laisser à l’Agence un réseau d’expatriés rabougri, qui plomberait dès le départ les perspectives professionnelles des jeunes entrants ? Acceptons-nous de mal couvrir voire d’abandonner des pans entiers de l’actualité, au profit du seul « mainstream » ? Avec des journalistes de moins en moins en mesure d’être présents sur le terrain, de sortir des infos ? Comment, dans ces conditions, continuer à fournir une information complète, rapide, experte ? C’est cela qui fait notre spécificité et notre mission d’intérêt général. Cela n’a rien d’un luxe.
Le SNJ espère, dans le dialogue si possible, dans la mobilisation s’il le faut, convaincre la direction de revoir une nouvelle fois sa copie. Il s’opposera à un plan de départs qui fragiliserait la rédaction dans son ensemble, et notamment son réseau d’expatriés, l’une des richesses de l’AFP.
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