Mi-juin, dans une note sur les « nouvelles audiences », la rédaction en chef centrale et la direction de l’information insistait sur la « forte demande » pour les sujets liés à « l’avenir de la planète ».
Moins d’un mois plus tard, on apprend que l’AFP, via sa filiale AFP-Services, produit la campagne de greenwashing d’un des plus gros pollueurs de cette même planète, The Coca-Cola Company, avec un logo d’AFP-Services (1) à la clé (où l’on voit surtout l’AFP).
Ce contrat, qui a rapporté 1 million de dollars à AFP-Services (2), a été présenté au dernier CCI (comité de coordination et d’information) par le directeur régional Amérique Latine de l’AFP. A l’heure où la pollution plastique des océans est un des principaux enjeux environnementaux mais aussi un des projets de « grands reportages » retenus par les rédactions en chef, la réputation de l’Agence risque d’être gravement entachée par ces liens financiers et publi-rédactionnels (3).
Que compte faire la direction pour préserver l’image mais aussi l’indépendance de l’AFP, inscrite dans son statut (4) ? Va-t-elle commander un « fact-checking » des productions d’AFP-Services ? Ou une vaste enquête sur la pollution plastique générée par Coca-Cola et sur ses manoeuvres pour verdir son image ?
On pourrait par exemple y apprendre que la compagnie est, de son propre aveu, l’un des plus gros producteurs de plastique au monde avec 3 millions de tonnes par an.
Ou qu’elle n’a pas tenu ses engagements par le passé: elle promettait 25% de plastique recyclé dans ses bouteilles en 2015 mais n’atteignait toujours que 7% en 2018.
Ou encore qu’en mars 2016, les lobbyistes de Coca-Cola à Bruxelles avaient pour mission de combattre les projets de consigne et d’augmentation des taux de recyclage des bouteilles (https://medium.com/cokeleak/new-email-leak-coca-cola-policy-priorities-390eb1dfda82).
Mais aussi qu’en 2012, Coca-Cola a abandonné la consigne en verre en Tanzanie pour favoriser le plastique, alors qu’il n’y a aucune usine de recyclage dans le pays.
Ce travail a déjà été fait par France 2: https://www.youtube.com/watch?v=wZT3drAYIzo
A quand à l’AFP ?
SNJ AFP – Paris, le 16 juillet 2019
(1) Le logo sur la photo de bouteilles de Coca-Cola est celui de AFP-Services mais avec un « Services » en violet bien moins visible que le « AFP ». Cela illustre bien le mélange des genres que nous n’avons de cesse de dénoncer, sans être nullement rassurés par la mission que vient d’annoncer le directeur de l’information afin de « formuler des recommandations pour une claire définition des interactions rédactionnelles entre l’AFP et sa filiale AFP-Services ».
(2) Le contrat appartient à la filiale.
(3) Lors de la présentation en CCI le 11 juillet, le directeur AmLat a assuré que tout était totalement étanche et que la rédaction AFP n’avait pas participé à cette campagne. Quoi qu’il en soit, pendant que l’AFP fait du fact-checking, sa filiale à 100% AFP-Services fait de la propagande au service des pollueurs… Cherchez l’erreur !
(4) L’Agence France-Presse « a pour objet de rechercher, tant en France qu’à l’étranger, les éléments d’une information complète et objective » (article 1 de la loi portant statut de l’AFP) ; « ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information » ; « ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique » (article 2).
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